Le Collectif des associations unies (CAU) publie, sous le titre sans ambiguïté "Un quinquennat aux ambitions déçues", un bilan des politiques d'hébergement et d'accès au logement sur ces cinq dernières années. Le collectif regroupe 39 associations, dont la plupart des acteurs associatifs majeurs du secteur. Cette publication, intervenue à la veille de Noël, prend place alors qu'Emmanuel Macron devait s'exprimer ce 6 janvier devant le congrès de la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité), l'un des membres du Collectif.
Des ambitions contrariées
Dans le bilan de ces cinq dernières années en matière d'hébergement et de logement, peu de choses trouvent grâce aux yeux du collectif. Après avoir rappelé l'engagement présidentiel de créer un "choc de l'offre" en matière de logement, tout en protégeant les plus fragiles grâce à la politique de Logement d'abord, le collectif constate que ce plan – d'abord appliqué dans 23 territoires volontaires, puis 23 autres en 2021 –, "a occasionné de nombreux débats et produit des expérimentations innovantes aux résultats prometteurs". Mais ces débuts "ont été percutés par des mesures et évènements inattendus". Mesures endogènes tout d'abord, comme des "choix budgétaires et fiscaux inégalitaires" ou des "coupes budgétaires inédites" au détriment des allocataires des APL et des bailleurs sociaux. Causes exogènes ensuite, à commencer par la crise sanitaire qui a "déstabilisé le secteur du bâtiment, réduisant encore la production de logements". Mais le collectif pointe aussi "l'attitude de nombre d'élus locaux à l'égard du logement social [...], à commencer par les communes qui ne respectent pas leurs obligations au titre de la loi SRU". La situation d'urgence sanitaire a toutefois encouragé le gouvernement à accroître ses efforts pour l'hébergement et à relancer le secteur de la rénovation énergétique.
Hébergement : des besoins toujours non couverts, malgré une hausse "historique"
Si le collectif reconnaît "une augmentation historique" des capacités du parc d'hébergement généraliste (passé de 130.000 à 200.000 places en cinq ans), il regrette l'absence de mesures pérennes et adaptées pour les personnes privées de logement. Les nuitées hôtelières ont en effet progressé au même rythme que l'ensemble du parc d'hébergement et le nombre de places en CHRS est demeuré quasiment stable. Malgré cette hausse quantitative, les besoins ne sont toujours pas intégralement couverts, puisque plus de 3.870 personnes ayant appelé le 115 le 6 décembre 2021 n'ont pas pu être hébergées faute de places.
Sur les lieux de vie informels (bidonvilles, squats, campements...), le collectif déplore que "la réponse apportée par les pouvoirs publics à l'installation de ces formes d'habitat précaire passe majoritairement par une politique d'expulsions, le plus souvent non accompagnées de solutions satisfaisantes de relogement". Selon la Dihal (délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement) – et malgré quelques avancées comme l'instruction du 25 janvier 2018 sur la résorption des campements illicites et des bidonvilles – plus de 22.000 personnes vivraient encore dans les lieux de vie informels, "un chiffre bien en deçà de la réalité pour les associations". Le collectif dénonce également la "situation humanitaire catastrophique" dans la Calaisis et à Grande-Synthe, avec en particulier un "harcèlement quotidien de la part des autorités et des forces de police".
S'y ajoutent, même si cela déborde le cadre de l'hébergement et de l'accès au logement, des "difficultés croissantes d'accès aux droits pour les personnes en précarité, révélées par la crise sanitaire". Si le collectif cite les aménagements apportés à l'aide médicale d'État (AME), il évoque aussi, de façon plus surprenante, la mise en place la Puma (protection maladie universelle), qui aurait engendré une complexité croissante pour l'accès aux droits, encore accentuée par l'impact de la crise sanitaire. Les critiques visent aussi la situation des mineurs isolés étrangers (MIE), surexposés à des risques sanitaires et à des troubles psychiques.
La "panne du logement social"
Les critiques les plus sévères du collectif visent toutefois l'accès au logement et, plus largement, la politique du logement. Le rapport pointe ainsi la "panne du logement social", due au fait que "l'État ponctionne 1,3 milliard d'euros par an sur les bailleurs sociaux, dont la production HLM a chuté de 30% par an". La somme de 1,3 milliard correspond à la RLS (réduction de loyer de solidarité), imposée aux bailleurs pour compenser la baisse de 5 euros par mois des APL. En revanche, on peine à retrouver la "chute de 30% par an" des agréments de logements HLM. La production de logements sociaux est en effet passée de 124.000 en 2016 à 105.000 en 2019, ce qui représente une baisse de 15% sur quatre ans. En intégrant le fort recul de 2020 (87.000 agréments) – dû à la crise sanitaire et non pas à la RLS –, on arrive bien à un recul exceptionnel de 30%, mais sur cinq ans et non pas par an.
Plus globalement, le rapport constate que le choc de l'offre annoncé en début de quinquennat "n'a pas eu lieu", avec des mises en chantier passées de 437.000 en 2017 à 386.000 en 2019 (niveau retrouvé en 2021, après le fort recul de 2020). Cette situation a eu pour conséquence des tensions sur le prix des logements, face auxquelles le gouvernement "a suivi une politique très timide en matière de régulation et d'encadrement des loyers".
Sur le logement accompagné, le collectif pointe le fait qu'"au terme du quinquennat les objectifs ne sont clairement pas atteints, même si la fixation de ces objectifs a pu créer une dynamique certaine, en particulier pour la production de pensions de famille, qui n'a cependant atteint que 52% de l'objectif initial". Si l'objectif de mobilisation du parc privé à vocation sociale (40.000 places nouvelles) devrait en revanche être globalement atteint, le collectif regrette toutefois un manque d'ambition, sachant que "le parc privé n'est pas suffisamment considéré comme un levier efficace pour favoriser l'insertion des ménages défavorisés". Dans le même temps, "la loi Dalo [droit au logement opposable, ndlr] a été particulièrement absente des préoccupations gouvernementales au cours de la mandature qui s'achève ".
Seuls quelques domaines de la politique du logement font l'objet d'une perception un peu moins négative. C'est le cas par exemple des expulsions locatives, pour lesquelles "la survenue de la crise sanitaire a enfin amené l'État à prendre des mesures efficaces". C'est le cas aussi des "avancées limitées" dans l'amélioration de l'habitat – même si les moyens demeurent "en deçà des enjeux pour la lutte contre l'habitat indigne" – et des "évolutions notables" sur la rénovation énergétique.
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