La baisse des dotations de l'Etat depuis 2014 a créé un traumatisme chez les collectivités locales, mais celles-ci parviennent à s'adapter en faisant preuve de résilience. Thomas Rougier, directeur des études de la Banque postale collectivités locales, a emprunté, ce 3 novembre, des notions de psychiatrie pour décrire la situation actuelle des finances locales. Selon l'expert, qui présentait la dernière note de conjoncture de l'établissement devenu leader sur le marché du crédit aux collectivités locales, la baisse des dotations de 3,7 milliards d'euros cette année équivaut à une réduction de 9,5% de l'épargne des collectivités. Mais, dans les faits, cette baisse sera limitée à 2,6%. Les efforts déployés par les collectivités pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement s'avèrent en effet payants : cette année, ces dépenses ne devraient croître que de 1,1% (hors transferts de compétences), une tendance similaire à celle de 2015. Les collectivités opèrent en particulier un tour de vis sur leurs frais de personnels : de 2,2% l'année dernière, leur croissance passera à 1,6% cette année.
Ralentissement de croissance pour presque toutes les taxes locales
En 2015, le regain des recettes fiscales (+5,2%) avait mis du baume au cœur des collectivités locales, et ce sans qu'elles ne relèvent exagérément leurs taux. Elles avaient vu en conséquence leur capacité d'autofinancement progresser après trois années consécutives de baisse. Mais ce miracle ne se reproduira pas en 2016 : la progression des produits de la fiscalité locale devrait être limitée à 3%. Résultat : les recettes de fonctionnement des collectivités n'enregistreront qu'un petit gain de 0,5%. En conservant le rythme de croissance des recettes de fonctionnement de 2015 (+1,5%), les collectivités auraient bénéficié de 2 milliards d'euros supplémentaires.
"Les progressions de toutes les taxes sont orientées à la baisse, sauf celle de la taxe sur le foncier bâti", a souligné Thomas Rougier. Si les recettes liées à cette taxe augmentent de 4,3% cette année, c'est essentiellement du fait du relèvement des taux décidé par un tiers des départements. Au total, pour l'ensemble des départements, les taux de la taxe croissent de 5,4%. Ce qui contraste avec la modération fiscale des communes et de leurs groupements, dont les taux ne connaissent qu'une croissance de 0,9%.
Les autres taxes enregistrent parfois un fort ralentissement, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : sa croissance devrait être de 1,4% cette année, contre 4,5% l'an dernier. En revanche, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui avaient bondi de 15% en 2015, devraient bien résister dans un contexte de reprise du marché de l'immobilier. La Banque postale table sur une progression cette année de 8% de ces recettes, qui, si elles redonnent un peu de souffle aux départements, ne suffisent toutefois pas à garantir leur niveau d'épargne. 42 départements devraient cette année voir leur épargne de gestion être inférieure à la barre des 10%, contre 40 en 2015 et seulement 9 en 2011.
"La chute de l'investissement a des effets sur la vie quotidienne des Français"
Malgré une réduction de leurs marges financières, les collectivités territoriales devraient investir 48,7 milliards d'euros cette année, soit un peu plus que l'an dernier. C'est l'une des rares bonnes nouvelles dans le domaine des finances locales. Mais la reprise est encore très timide : la Banque postale l'évalue à 1,3%, dont seulement 0,5% pour les dépenses d'équipement, le reste du rebond étant lié à une progression des subventions d'équipement. L'investissement local est tiré uniquement par les communes et leurs groupements. La croissance de leurs dépenses d'équipement est attendue en hausse de 2,7%, ce qui représente environ 600 millions d'euros. Ce rebond est plus faible (d'un tiers environ) que celui qui est traditionnellement observé au cours de la troisième année du mandat municipal. Sa modestie paraît encore plus évidente lorsqu'on le compare à la chute de 25,3% (soit 7,7 milliards d'euros) des dépenses d'équipement du bloc communal entre 2013 et 2015.
L'investissement des départements s'est lui aussi fortement replié et ce dès 2009. Depuis cette date, il a enregistré un recul d'un tiers en volume pour atteindre 9,3 milliards d'euros cette année. "Cela a des conséquences concrètes dans la vie quotidienne des Français", a souligné Thomas Rougier. Qui a pris notamment l'exemple des investissements dans les collèges. Avec une baisse de 650 millions d'euros (soit –27%) de ces investissements, les départements envisagent des projets de création plus modestes qu'il y a quelques années.
Un moindre recours à l'emprunt
La reprise de l'investissement va-t-elle se renforcer en 2017 ? Pas sûr. Les réformes institutionnelles liées notamment aux fusions de communautés et les programmes de certains candidats à l'élection présidentielle en faveur d'une réduction accrue de la dépense publique ne jouent pas en faveur de ce scénario, observent les responsables de la Banque postale.
Malgré un besoin de financement en hausse, les collectivités réduiraient de 10,5% cette année leur recours à l'emprunt. Au total, l'encours de dette du secteur public local pourrait ne progresser que de 1,5%, atteignant 181,7 milliards d'euros à la fin de l'année.
Soulignant la capacité de résilience des collectivités, la Banque postale ajoute toutefois que leurs efforts budgétaires "ne sont pas reconductibles sans modifications profondes des services publics de proximité" et que "les situations individuelles demeurent très disparates". "Les régions sont les collectivités qui ont le plus de mal à résister à la baisse des dotations", a précisé Thomas Rougier. La réduction quasi totale de leur autonomie fiscale lors de la réforme de la fiscalité locale de 2010 les met lourdement en difficulté aujourd'hui. La substitution annoncée pour 2018 de leurs dotations par des recettes de TVA permettra-t-elle de les remettre d'aplomb ?
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