L'Ile-de-France veut muscler sa filire bois

September 2024 · 5 minute read


La première étape pour valoriser la forêt francilienne serait de lever les contradictions. Car en Ile-de-France, pas touche aux arbres : les sondages enseignent que dans l'esprit des citadins férus de loisirs verts, la fonction récréative de la forêt prédomine sur son exploitation naturelle. L'accueil du public est la priorité et la valorisation du potentiel de ses bois et forêts, qui ne manquent pourtant pas, puisqu'un quart du territoire en est couvert (280.000 hectares, autant que la zone urbanisée) passe au second plan. "Cette ouverture des forêts au public a entraîné leur sanctuarisation, ce qui a renforcé la dépendance du territoire francilien à l'importation", estime l'Agence régionale de l'environnement, dans une récente étude sur les matériaux bio-sourcés.
Un paradoxe également pointé par l'agence des espaces verts (AEV) de la région Ile-de-France : "En vingt ans, la récolte du bois a chuté de 60%. Environ 20% de la production biologique annuelle est commercialisé, 30% est auto-consommé par les propriétaires [le morcellement de la forêt privée est fort et les choix de gestion variés, ndlr] et 50% n'est pas mobilisé. Dénuée de scieries, alors qu'il y en avait une soixantaine dans les années 70, la région exporte ses grumes dans les régions voisines ou à l'étranger, tandis que ses distributeurs s'approvisionnent en dehors d'elle, parfois à l'étranger, en produits issus de la première transformation."

Effort de rattrapage

Le cas francilien n'est pas isolé : la filière bois a ainsi été inscrite sur la liste des 34 filières industrielles prioritaires du gouvernement. Le regroupement des forces et la recherche de nouvelles ressources sont visés, notamment via un fonds stratégique dont la constitution est actuellement examinée par le Parlement. En Ile-de-France, l'interprofession francilienne, longtemps morcelée, a aussi réagi et s'est structurée en créant il y a six ans Francîlbois. Ses modèles ? Atlanbois, dans les Pays de la Loire, ou encore Gipeblor, en Lorraine. "Atlanbois a quinze ans d'avance. C'est une région où il y a moins de bois qu'ailleurs mais qui a su prendre à bras-le-corps son industrie et monter en compétence, avec un tissu économique et de R&D fort", indique Sébastien Meha, président de Francîlbois. L'ambition et les moyens d'action de l'interprofession francilienne, pas encore à la hauteur, feront à la mi-juin l'objet d'une décision et d'un vote régional. La reprise en main du dossier par les élus présage d'un nouvel élan. "Pas évident car il y a vingt ans de retard mais restons optimistes, toutes les fées sont au-dessus du berceau", motive Marion Zalay, à la tête de la direction régionale et interdépartementale de l'alimentation et de la forêt (Driaaf) d'Ile-de-France. La convention signée le 29 avril entre l'AEV et l'Office national des forêts (ONF) va dans ce sens. Elle ambitionne d'augmenter de 25.000 m3 le niveau annuel de récolte de bois. Dans le viseur, les forêts communales. Mais une forêt domaniale comme Fontainebleau, massif le plus fréquenté de la région, n'échappe pas non plus au diagnostic et à une gestion nécessairement mieux coordonnée : labellisée Forêt d'Exception®, elle fait l'objet d'un contrat de projet 2013-2017 et d'un plan d'aménagement sur mesure.

Le débouché de la construction bois

De quelques opérations pilotes, les bâtiments construits en bois tendent à se multiplier dans la région. Le nombre reste néanmoins inférieur à la moyenne nationale, étant donné la prédominance en Ile-de-France de l'habitat collectif sur la maison individuelle. "Cette place croissante du bois dans la construction n'en est pas moins un très bon signe et un enjeu nouveau", ajoute Brice Lefranc, délégué général de Francîlbois. "Réaliser un bâtiment ossature bois reste un geste militant, loin d'être banalisé. La collectivité sait en tirer un gain en termes d'image, d'innovation, de communication territoriale", renchérit Nicolas Favet. A Nanterre (Hauts-de-Seine), cet architecte a signé un groupe scolaire de 4.500 mètres carrés à énergie positive, recouvert de 800 m2 de toitures photovoltaïques et qui produit plus d'énergie qu'il n'en consomme. Il a été ouvert lors de la rentrée dernière. La commande était explicite : "Sans être obligatoire, le recours au bois était fortement recommandé. Ce qui n'a pas manqué d'étonner d'autres architectes candidats à sa réalisation." Son système constructif en partie fondé sur du bois massif tourillonné (assemblage mécanique de panneaux à la verticale et non à l'horizontale), c'est un fabricant suisse qui l'a conçu. Les autres fournisseurs sont bretons ou d'Europe du Nord, pas franciliens, hormis pour certains ouvrages en bois de robinier. Principal obstacle à sa construction : la validation par les bureaux de contrôle, qui fut compliquée. "On finalise le bilan carbone du bâtiment, en tenant aussi bien compte des matériaux, matériels utilisés que des déplacements des compagnons. Il sera révélé lors du prochain colloque sur les bâtiments à énergie positive (Bepos) le 19 Juin, à Paris."

Quid du surcoût du bois ?

Direction Nantes, où la vitrine d'Atlanbois prend la forme d'un bâtiment basse consommation d'énergie (BBC) en bois local, situé au cœur d'un quartier en renouveau, et qui abrite du tertiaire mais accueille aussi du public en tant que centre de ressources. "Son surcoût de 15% par rapport à un bâtiment de bureaux classique est plus dû aux contraintes propres aux établissements recevant du public (ERP) qu'au choix du matériau bois. Tant que l'ingénierie est robuste et bien menée, tout surcoût peut être maîtrisé", conclut Maxime Baudrand chez Atlanbois.

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