Alors que les acteurs du logement attendent toujours la nomination d'un ministre délégué dédié, les orientations du nouveau gouvernement en la matière ont déjà été communiquées dans le discours de politique générale de Gabriel Attal devant les députés le 30 janvier (voir notre article) puis devant les sénateurs le lendemain. Afin de "déverrouiller" le secteur, le Premier ministre propose un "choc d'offres" qui passe par une série de mesures dont la plupart ne sont pas nouvelles. Ainsi des 20 "territoires engagés pour le logement" où doivent voir le jour 30.000 logements d'ici à trois ans grâce à un allègement des procédures. L'appel à candidatures à ce sujet, lancé fin novembre, devrait aboutir "dans deux semaines".
Parmi les autres leviers évoqués : simplifier l’accès à MaPrimeRénov, faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage, réquisitionner des bâtiments vides ou plus largement "accélérer les procédures". Mi-février, une simplification du diagnostic de performance énergétique (DPE) doit par exemple être présentée par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé du logement pour le moment. Celle-ci doit permettre de conserver le calendrier d'interdiction de location des "passoires thermiques" tout en fiabilisant le dispositif pour les petites surfaces et en actant des mesures de flexibilité.
Des chantiers vont par ailleurs être lancés afin de "redonner du pouvoir d’achat immobilier aux Français", a indiqué Christophe Béchu lors de ses vœux le 31 janvier (sur les autres sujets abordés lors de ces voeux, voir notre article de ce jour). De nouveaux outils financiers comme les prêts in fine ou le modèle hypothécaire doivent être expertisés, de même que des "outils fiscaux et financiers innovants pour inciter les élus et les opérateurs à produire plus de logements". Gabriel Attal a également prévu de "donner aux maires la main" pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune.
Vives réactions sur la loi SRU
Le sujet qui a fait le plus réagir concerne l'évolution du calcul de l'objectif de 25% de logements sociaux en 2025 porté par la loi SRU. "Nous proposerons d’ajouter pour une part les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, dans ce calcul des 25%", a affirmé le Premier ministre. Une déclaration qui n'a pas manqué de faire réagir de nombreux acteurs du secteur. A tel point que Gabriel Attal précisait le lendemain au Sénat que, "dans les communes soumises à loi, nous maintiendrons évidemment une exigence d’un nombre minimal de logements très sociaux".
Même volonté de rassurer du côté de Christophe Béchu : "Nous allons travailler à des protections pour préserver la production de logement social et très social dans notre pays". Et d'expliquer que l'objectif de ce changement est de "desserrer la pression sur le social pour les plus modestes".
Pour l'Union sociale pour l'habitat (USH), "cette proposition, qui ne réglera en rien le retard pris pour la construction du logement social, va renforcer les ségrégations territoriales en fragilisant le respect de la loi SRU". Seuls 3% des 2,6 millions de ménages en attente de logement social sont éligibles, en termes de revenus, au logement intermédiaire, signale l'organisme. La Fédération des OPH dénonce, elle, une "attaque sans précédent de la loi SRU". "D’un côté, le gouvernement interdit que soient logés dans les quartiers prioritaires de la ville les ménages les plus fragiles [reconnus au titre du Dalo, ndlr], de l’autre il va permettre aux communes qui pourraient les accueillir de ne plus construire de logements HLM", déplore Marcel Rogemont, son président. La référence aux ménages Dalo fait écho à ce qui avait été décidé lors du comité interministériel des villes de l'automne dernier (voir notre article), lorsque Elisabeth Borne avait demandé aux préfets "de ne plus installer (...) les personnes les plus précaires dans les quartiers qui concentrent déjà le plus de difficultés".
Dans une lettre adressée au Premier ministre, les maires d'une quinzaine de grandes villes dont Paris, Lille, Lyon, Bordeaux, Rennes, Strasbourg ou Poitiers ont exprimé le 31 janvier leur "très forte inquiétude", à ce sujet, rapporte l'AFP. Ils dénoncent un "renoncement majeur à la politique de production du logement social" et estiment qu'inclure les logements intermédiaires dans le décompte SRU serait "une erreur politique majeure".
La Fondation Abbé Pierre, dans son palmarès 2020-2022 d'application de l'article 55 de la loi SRU sur les objectifs de production de logements sociaux publié fin 2023, indiquait que 64% des 1.031 communes soumises à la loi SRU n'ont pas atteint leurs objectifs triennaux. Lors de la présentation du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, le 1er février, son délégué général Christophe Robert, a lancé à Christophe Béchu : "Ne faites pas ça !"
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