Après dix ans de débats sans fin et une succession de rapports, dont celui de la Cour des Comptes en 2011, une issue se profile pour réformer durablement le code général des collectivités territoriales, dans son volet financier portant sur le stationnement payant. En effet, dans la nuit du 5 au 6 juin 2013, lors de son passage au Sénat, le projet de loi sur la modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles s’est enrichi d’un amendement qui institue la dépénalisation des amendes de stationnement et la transformation du dispositif actuel en un service public réellement décentralisé. Fait suffisamment rare pour être souligné, cet amendement a été voté à l’unanimité. Mais pourquoi cette mesure intervient seulement maintenant ? S’il ne cache pas son enthousiasme, Roland Ries, sénateur-maire PS de Strasbourg et président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), répond par l'étonnement : "Cet amendement satisfait une très ancienne revendication du Gart et des associations en charge des politiques de mobilité. J’avoue ne pas savoir pourquoi on n’a pas réussi jusqu’à présent à faire confiance aux autorités locales". Pour Louis Nègre, sénateur-maire UMP de Cagnes-sur-Mer, vice-président du Gart et auteur d’un rapport fin 2011 sur la dépénalisation et la décentralisation du stationnement, "les élus sont lassés, après une décennie de combats il était temps que les choses bougent".
Transformer l’amende en redevance
Sur le fond, du moins si les députés ne rabotent pas trop le texte lors de son prochain passage en première lecture au Palais Bourbon, l’amendement en question introduit une mini-révolution. Comme le préconisait Louis Nègre il y deux ans, il transforme l’amende pénale qui réprime le stationnement irrégulier, dont le montant est fixé de manière uniforme partout en France et par le code de la route à 17 euros, en une redevance administrative gérée par la collectivité locale, qui en perçoit de fait le produit. Libre à elle de moduler ce montant, selon le quartier concerné, et ce en cohérence avec le plan de déplacements urbains (PDU), du moins si ce dernier existe. Comme le précise l’amendement, ce tarif de redevance est donc "déterminé en vue de favoriser la fluidité de la circulation, la rotation du stationnement des véhicules sur voirie et l’utilisation des moyens de transports collectifs ou respectueux de l’environnement", sachant par ailleurs que peut être prévue "une tranche gratuite pour une durée déterminée" (zone bleue). Point important : la fixation de ces modalités ne reviendrait plus au maire, qui conserve toutefois son pouvoir de police et choisit les voies qui accueillent des places de stationnement, mais au conseil municipal. "C’est un changement de paradigme et c’est une bonne chose car le système actuel, plombé par un trop faible écart entre le coût du stationnement et le montant de l’amende, est inefficace, avec un faible taux de paiement spontané du stationnement - de l’ordre en moyenne de 35% mais moins dans certaines grandes villes - un faible taux également de recouvrement des amendes, et ce pour un coût de gestion global qui enfle. Si bien qu’en termes de rendement, le stationnement rapporte réellement 14 millions d’euros par an selon nos calculs au Gart", indique Roland Ries.
Apaiser les craintes
Les automobilistes seront-ils lésés ? C’est ce que craint l’Automobile Club Association (ACA), qui déplore dans un communiqué l’adoption de cette mesure et le fait que le stationnement devienne une "variable d’ajustement budgétaire" à la disposition des élus. Ce que contredit Roland Ries : "Dans l’affaire, les automobilistes ne seront pas perdants. La rotation des véhicules sur les places de stationnement sera plus rapide, ils auront donc moins à tourner en ville pour en trouver une." Craignant de perdre ses recettes, il a aussi fallu convaincre l’Etat. Le Gart se veut rassurant : chez les voisins européens qui l’ont déjà instauré, ce nouveau mécanisme a permis d’accroître les recettes annuelles liées au stationnement payant. Et par le biais de la TVA qui s’appliquera au dispositif de redevance, la part des recettes que l'Etat encaissera fera "plus que compenser la perte d’une partie de sa part dans la péréquation des recettes gérées par le Comité de finances locales".
Post-stationnement
Si l’automobiliste qui se gare reste plus longtemps que ce que prévoit la redevance horaire qu'il a payée, il n’y aura pas d’amende et il ne sera pas considéré "comme étant en infraction mais comme ayant pleinement fait le choix du forfait de post-stationnement". Redevance horaire spontanément acquittée par l’automobiliste d’un côté, redevance de post-stationnement acquittée lorsqu’il n’a pas payé la première de l’autre : le fonctionnement de ce système à deux têtes reste bien sûr à préciser. Le ministère de l’Intérieur, le ministère du Budget et la Chancellerie y travaillent et se disent attentifs à ne pas en faire un nid à contentieux. Les sénateurs ont prévu un délai de 18 mois pour que la loi, une fois qu'elle sera promulguée, puisse s'appliquer en s'appuyant sur des décrets solidement rédigés. Car pas question d'aboutir à un système fragilisé. "Nous accompagnerons l’ensemble des parties prenantes jusqu’au bout", promet pour sa part Louis Nègre. D’ores et déjà, une modalité essentielle a été actée. Guy Le Bras, directeur général du Gart, la résume ainsi : "Excepté dans le cas francilien, il a été acté que les recettes issues de ce nouveau système de post-paiement, comparable à ce qui se fait en péage autoroutier ou en stationnement en ouvrage, seront fléchées vers le financement des transports collectifs."
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFop6ikmam2ssHEZpueZaOprrW1zqelnqWVo8FuuMBmqZ6en6e6pnnFmqCtZZWjs6q6jKysq56RmLI%3D