Dans un arrêt du 29 mai 2013, le Conseil d'Etat a eu l'occasion d'apporter quelques précisions concernant la détection d'une offre anormalement basse par le pouvoir adjudicateur. L'affaire litigieuse concerne un marché de l'Etat mais la solution rendue par la Haute Juridiction peut s'appliquer aux collectivités territoriales.
Dans les faits, le ministre de l'Intérieur avait lancé une procédure d'appel d'offres pour l'attribution d'un marché alloti de maintenance multiservices et multitechniques pour des centres de rétention. Une société a été informée du rejet de son offre pour les lots n°1 et n°2 du marché. Saisi par cette dernière, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a annulé l'ensemble de la procédure de passation et a considéré que le prix proposé par la société retenue pour le lot litigieux était nettement inférieur à celui de la société évincée. Il conclut au caractère anormalement bas de l'offre de la société attributaire. Celle-ci forme alors un pourvoi devant le Conseil d'Etat.
Le caractère anormalement bas d'une offre se déduit-il d'une comparaison avec les offres des autres candidats ? A cette question, la Haute Juridiction répond par la négative. "En se fondant ainsi, pour estimer que l'offre de l'attributaire était anormalement basse, sur le seul écart de prix avec l'offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause était en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, le juge des référés a commis une erreur de droit", estime le Conseil d'Etat. L'ordonnance du juge des référés est donc annulée. Le caractère anormalement bas d'une offre doit se déduire de manière autonome par l'acheteur public sans aucune comparaison avec les autres offres.
Références : Conseil d'Etat, 29 mai 2013, n° 366606; Proposition de directive du Parlement et du Conseil sur la passation des marchés publics.
Comment détecter une offre anormalement basse ?
L'article 55 du Code des marchés publics prévoit qu'une offre qui apparaît comme anormalement basse ne peut être rejetée automatiquement. L'acheteur public doit d'abord demander des explications par écrit au candidat. Il appartient ensuite à la Commission d'appel d'offres de retenir ou d'écarter l'offre. L'article 55 précise les justifications possibles aux offres anormalement basses.
Lors de la 160e session d'études "marchés publics et mécanismes financiers" organisée par l'Apasp les 3 et 4 juin, les intervenants ont rappelé qu'"une méthode de détection d'une offre anormalement basse est possible, mais qu'en revanche une méthode d'élimination - formule de type mathématique - de cette offre est illégale" (CJCE, 22 juin 1989, Fratelli Costanzo, n° 103/88). Ils recommandent aussi beaucoup de prudence dans la création d'une méthode de détection des prix. Un prix bas n'est pas nécessairement un prix anormalement bas (CAA de Paris, 23 octobre 2012, n° 09PA05350). Les intervenants conseillent de faire une moyenne des offres. Si une offre est notoirement inférieure à cette moyenne, elle peut être considérée comme potentiellement anormalement basse. Le pouvoir adjudicateur devra alors interroger le candidat sur son offre. Enfin, l'article 69 du projet de directive sur la passation des marchés publics prévoit que lorsque trois conditions cumulatives seront réunies (un prix inférieur de plus de 50% au prix moyen des autres offres, un prix inférieur de plus de 20% au prix de la deuxième offre la plus basse et au moins cinq offres déposées), le pouvoir adjudicateur aura l'obligation de demander des justifications à l'entreprise.
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