Adrien Taquet, le secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé en charge de la protection de l'enfance, annonce avoir confié une mission sur l'adoption à deux parlementaires : Monique Limon, députée (LREM) de l'Isère (et ancienne directrice du développement social, puis de l'insertion, au département de l'Isère) et Corinne Imbert, sénatrice (LR) de Charente-Maritime (et ancienne vice-présidente du conseil départemental).
Une mise en cause du rôle des départements
S'exprimant, le 18 avril, lors de l'émission "Le grand entretien" sur France Inter, Adrien Taquet a rappelé que les départements jouent, depuis la décentralisation, un rôle majeur en matière d'adoption, "mais ce n'est pas pour autant que l'État doit s'en désintéresser". Le secrétaire d'État s'appuie sur un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) portant sur le "Contrôle des procédures d'adoption dans le département de Seine-Maritime" (demandé conjointement par le préfet et le président du conseil départemental), qui a notamment pointé le fait que les couples homosexuels agréés en vue d'une adoption ne se sont vu proposer que des "enfants à besoins spécifiques" (âgés, malades, handicapés...) entre 2013 et 2017. Les couples hétéroparentaux auraient ainsi été systématiquement préférés, au détriment des homoparents, mais aussi des célibataires. Le rapport pointe également un manque de surveillance de la part de la tutelle de l'État.
Adrien Taquet indique avoir "pris des mesures immédiates" et "saisi le Conseil consultatif national d'éthique et le Conseil national de la protection de l'enfance". Il a également annoncé la rédaction d'"une charte de déontologie, qu'on va faire signer aux conseils de famille qui apparentent - c'est le terme - les enfants".
Au-delà du cas de la Seine-Maritime, Adrien Taquet a également mis en cause le rôle des départements, en expliquant qu'"une autre difficulté est liée à notre organisation, ce sont des politiques qui dépendent du département", expliquant qu'il arrive qu'une famille ne puisse pas adopter dans le département voisin (l'agrément délivré par un département n'ayant pas une valeur nationale). Pour le secrétaire d'État, "c'est le genre de barrière qu'il faut lever".
Un problème sans solution ?
La mission confiée aux deux parlementaires devra expertiser les résultats de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, qui prévoyait notamment une réforme de l'adoption simple et l'extension des cas de ré-adoptabilité aux enfants adoptés et admis en qualité de pupilles de l'Etat (voir notre article ci-dessous du 22 mars 2016). De façon plus large, elles devront formuler des propositions pour faciliter l'adoption. La mission devra rendre ses conclusions à la fin du mois de juin, en vue d'annonces qui pourraient intervenir au début du mois de juillet. Comme les précédentes missions sur l'adoption - qui n'ont pas manqué -, celle confiée à Monique Limon et Corinne Imbert va se heurter au même obstacle, connu de longue date : le manque d'enfants à adopter au regard du nombre de candidats à l'adoption.
Pour ce qui concerne l'adoption internationale - qui n'est pas l'objet principal de la mission - l'affaire est entendue de longue date, puisque le nombre d'adoptions s'effondre depuis plusieurs années, les pays signataires de la convention de La Haye cessant progressivement d'"exporter" leurs orphelins. Le nombre d'adoptions internationales en France, qui s'élevait encore à 3.508 en 2010 a été divisé par près de six en moins de dix ans, pour tomber l'an dernier à 615 (-10%), dont 65 adoptions intrafamiliales (voir notre article ci-dessous du 15 février 2019). Un chiffre de 615 adoptions internationales à rapprocher des 14.000 familles disposant d'un agrément en cours de validité en vue d'une adoption...
Un âge moyen de plus de huit ans pour les pupilles de l'État
En matière d'adoption nationale, les chiffres ne sont guère meilleurs. Adrien Taquet rappelle qu'environ 750 enfants sont adoptés tous les ans en France, sur 2.600 pupilles. Il reconnaît d'ailleurs qu'"il y a les enfants à besoin spécifique, soit en situation de handicap, soit âgés". Mais, "au-delà de 6 ans, il est difficile de faire adopter un enfant", car "les parents ont envie de bébés de 0 à 3 ans en bonne santé". Or, l'âge moyen des pupilles de l'État est aujourd'hui de 8,1 ans (et même de 11,1 ans en Seine-Maritime), ce qui rend l'adoption difficile et nécessite l'adhésion de l'enfant, contrairement au cas d'un nouveau-né.
Dans son rapport sur la Seine-Maritime, l'Igas explique d'ailleurs que le département connaît "un nombre restreint mais stable d'enfants, principalement nés sous le secret, adoptables, pour un nombre dix fois supérieur d'adoptants agréés une année donnée"... Le rapport rappelle aussi que, si le nombre de pupilles de l'État a eu plutôt tendance à croître ces dernières années en Seine-Maritime, "un peu plus de la moitié ne sont pas adoptés en raison de leurs besoins spécifiques".
C'est donc peu dire que les préconisations des deux parlementaires sont attendues avec intérêt, mais aussi avec un certain scepticisme, au moins pour ce qui concerne le rapprochement entre le nombre d'adoptions et celui des enfants à adopter.
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